QEL-E — Le développement durable est-il un luxe accessible aux pays émergents ?

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Avant-propos :

Chaque année, le Grand Orient De France propose à ses loges cinq sujets de réflexion. Chaque Loge, selon sa taille, est tenue de fournir sa contribution à une ou plusieurs de ces questions. Tous les rapports produits en retour seront consolidés jusqu’à être présenté au Convent pour validation finale. Le recueil de ces consolidations donne régulièrement lieu à une publication externe pour faire connaître la position de notre Obédience.
Notre  loge Aménité et Fidélité s’oblige à répondre chaque année à au moins deux de ces  Questions à l’Étude des Loges (QEL). Ce texte est une synthèse de nos travaux pour la question E que nous avons votée le 27 janvier 2020. À ce stade du processus, le contenu publié dans cet article n’engage donc que notre Atelier.

1. Les termes de la question :

L’intitulé volontairement condensé et souvent provocateur des QEL nécessite une définition de ses termes pour contourner ses ambigüités et recadrer le domaine de notre réponse.

Le développement durable […]

Nous retenons la définition de l’ONU (rapport Brundtland) : est durable “un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs.”
Au-delà de la démarche écologique de la gestion commune des ressources naturelles (comme l’air, l’eau et la terre), rechercher une réponse durable participe d’une approche systémique qui se préoccupe simultanément de trois dimensions : sociale, économique et environnementale. Toutes trois sont indissociables.

[…] un luxe accessible […]

Luxe est souvent opposé à nécessité. Le luxe désigne ce qui est superflu, qui se place au niveau du confort, par définition réservé à ceux qui ont déjà satisfait leurs besoins vitaux.

[…] aux pays émergents […]

Ce terme économique de pays émergent est récent : 1980. Dans le langage ordinaire, il remplace aujourd’hui celui de pays dont l’économie est en voie de développement, c’est-à-dire l’intermédiaire entre économiquement sous-développée et développée. Il a été créé pour les investisseurs boursiers à la recherche de nouveaux marchés. Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) sont les plus souvent cités.

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2. Une question étriquée

La question de cette année ne fait donc pas exception à la règle, tant elle intègre de contradictions internes :

L’expression générique de pays émergents ne saurait désigner un groupe représentatif homogène. Ils ne partagent ni les mêmes problèmes économiques ni la même vision de leur futur politique. Ce constat est particulièrement évident au vue des situations très spécifiques des pays du BRICS. Rien n’indique que ces derniers, même s’ils se présentent parfois comme un contre-pouvoir face à l’arrogance des pays développés, aient le projet d’élaborer une stratégie commune, notamment face aux défis écologiques.

Les préoccupations au cœur du développement durable (l’accès à l’eau potable, la qualité de l’air ou la préservation des sols) sont au premier niveau de la pyramide de Maslow, celui de la nécessité pour la survie auquel la Déclaration des droits de l’homme nous engage. Où que ce soit sur la planète, on ne saurait les considérer comme un luxe.

Quel que soit le gouvernement qui analyse un besoin, qui plus est vital, quand il ignore la dimension sociale et environnementale pour ne considérer que son coût à court terme, il commet un contresens méthodologique. C’est ce que corrige une approche du développement durable, en mettant en place le scénario qui aboutira progressivement à une solution pérenne.

Le développement durable ne peut donc pas, en lui-même, être considéré comme un luxe. Penser le long terme, surtout quand il s’agit de l’avenir de notre bien commun que constituent les ressources de notre planète, est une nécessité pour le futur de tous.

On ne saurait pas davantage aborder la question avec une logique de blocs qui opposerait les pays riches, émergents ou pauvres. Cette approche est aujourd’hui révolue.

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3. Conclusion

L’urgence climatique bouscule nos politiques économiques et leurs priorités.
Cette urgence est différemment perçue, comme le montre la remise en cause des conclusions de la COP-21. Sur les 195 délégations signataires de l’accord de Paris, seuls 16 d’entre elles ont défini un plan d’action climatique qui permet d’honorer leur engagement. Ensemble, elles représentent moins de 9 % de l’émission totale des gaz à effet de serre quand les États-Unis qui ont depuis quitté l’accord en émettent le double à eux seuls.

Mais l’heure n’est plus à la recherche de coupables et les injonctions sont improductives. Notre avenir commun est en danger et nous avançons avec le même calendrier. Les plus démunis vivront en premières lignes les catastrophes annoncées.
Les efforts considérables nécessaires pour en contourner les risques au bénéfice de tous ne peuvent de toute façon être financés que par ceux qui en ont les moyens.
C’est une lapalissade.

Que penseront nos successeurs de nos égoïsmes passés, de nos nationalismes étriqués ou de notre conception datée de la croissance ?
Nous devons œuvrer à l’évolution de nos mentalités pour organiser une transition aussi douce que possible mais qui suppose une incontournable remise en cause de la distribution actuelle de nos richesses. Il n’y a pas aujourd’hui d’autre alternative que la solidarité.

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